Makatea, seule île haute calcaire de Polynésie française
Suite au vœu émis, le lundi 19 septembre 2016, par le conseil municipal de Rangiroa pour que l’exploitation minière industrielle de phosphate à Makatea par la société par actions simplifiée « Avenir Makatea » soit autorisée, beaucoup d'associations et de citoyens se sont mobilisés pour manifester leur hostilité à ce projet non durable.
La FAPE "Te Ora Naho" en fait partie.
Aller chercher du reliquat de phosphate dans les recoins
Il s'agit de ré-ouvrir à Makatea une extraction pour une deuxième fois (secondery mining) après celle opérée par la Compagnie Française des Phosphates de l’Océanie (CFPO) de 1917 à 1966.
Seulement, pour récupérer ce qui reste, il faut racler complètement le plateau puis séparer le bon grain de l'ivraie.
Aucune étude d’impact de l’extraction de ce phosphate résiduel de l’ancienne mine pour un volume de 3 millions de tonnes pendant 16 ans sur une surface de 1000 ha (sur les 2500 ha que compte l’île) et jusqu’à une profondeur de 30 mètres, n’a été publiée pour l'instant.
Les volumes, surfaces et durées prévisionnels de l’exploitation envisagée sont d’ailleurs changeants, au fil des présentations de la SAS. La dernière notice d’impact sur l’environnement, rendue publique en mars 2014, concernait la phase de prospections.
Trésor géologique en péril
La Fédération des Associations de Protection de l’Environnement Te Ora naho met en garde contre les graves conséquences que ce projet engendrerait, s’il était mis à exécution, en particulier, sur l’écosystème de l’île et sur la vie de ses habitants.
L’île de Makatea est une curiosité géologique unique en Polynésie française (un « trésor » géologique aux dires des spécialistes qui mériterait de figurer sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en tant qu’exemple exceptionnel et éminemment représentatif de processus géologiques de l’histoire de la terre).
Elle comporte une forêt primaire typique sur son plateau calcaire (que le projet prévoit de déboiser), des espèces animales (oiseaux en particulier) et végétales, endémiques ou indigènes, rares, ce qui lui vaut d’être classé prioritaire dans l’inventaire de la biodiversité de la Polynésie française établi par la Délégation à la Recherche ( Source : MEYER, THIBAULT, BUTAUD, COOTE & FLORENCE, 2005, Sites de Conservation en Polynésie française) comme l’un des seize sites naturels d’intérêt écologique majeur à protéger.
Sa nappe phréatique, en forme de galeries souterraines d’eau douce, constitue par ailleurs une spécificité qu’il convient de ne pas altérer. Il se trouve que les cavités du site de l’ancien CFPO assure une fonction de percolation des eaux de pluie jusqu’à la nappe phréatique
Un site idéal pour une agriculture biologique et pour de l'éco-tourisme
Son sol particulier, naturellement riche en raison du phosphate, offre une végétation abondante et un verger/potager florissant, pouvant servir à approvisionner les atolls des Tuamotu.
Récolte bio à Makatea
Il y a de fortes probabilités que ces atouts, qui devraient servir de fondement à des activités économiques nouvelles pour l’île et ses habitants (recherche scientifique et expérimentale, laboratoires environnementalistes et géologiques, agriculture biologique maraichère et fruitière, agro-écologie en général, apiculture, production de « kaveu », écotourisme…etc) soient largement et définitivement entamés par une exploitation minière de cette envergure, pendant et après sa durée de vie.
Développement non durable économiquement
Une extraction minière ne constitue pas un projet de développement durable puisque par définition, elle est limitée dans le temps et aboutit en général à des zones dévastées écologiquement et économiquement.
L’île de Nauru et d’autres sites miniers en fin d’exploitation sont des exemples de désolation patents.
Nauru vu du ciel
Par ailleurs, le profit dont bénéficierait la population de Makatea résiderait, en résumé, en l’emploi de 10 ouvriers car sur les 73 emplois directs créés, les autres postes sont des postes de techniciens, ingénieurs et cadres nécessitant des profils qualifiés qui n’existent pas aujourd’hui parmi la centaine d’habitants de l’île et parmi la quinzaine de jeunes en recherche d’activités génératrices de revenus. Certes, le projet fait état d’emplois et de revenus indirects ; mais il en serait de même avec toute autre activité, moins polluante et non destructrice, destinée à développer l’île de manière durable.
"Réhabilitation" douteuse
La volonté de « réhabiliter » l’ancien site minier, naturellement re-végétalisé après 50 ans, jugé soudainement « dangereux » et « inutile », nous parait être un prétexte, mis en avant par la société minière australienne pour commercialiser, principalement à son profit, avec un chiffre d’affaires très conséquent à la clef, du phosphate sur les marchés internationaux.
En effet, la méthode de réhabilitation avancée, qui consisterait à combler le raclage de la roche phosphatée et les ponctions par la récupération de gravats et de compost issu du déboisement, n’a pas été clairement démontrée comme réaliste (volumes suffisants pour un remplissage ?) et efficace. Selon certains experts, il est fort à craindre que l’on hérite, après élimination de la strate de forêt primaire, d’un plateau bas, constitué d’une couche de calcaire sur laquelle aucune vie organique ne pourra reprendre.
Une note du Professeur émérite de géologie sédimentaire, Lucien Montaggioni, rédigée en novembre 2016, est explicite:
"J'avais un écho, voici quelques mois de ce qui se trame à propos de ce projet à Makatea. J'ai aussi appris qu'un projet équivalent était susceptible d'être développé sur Mataiva, où des niveaux phosphatés ont été signalés sous le lagon. CES DEUX PROJETS SONT DES HERESIES ENVIRONNEMENTALES ET PATRIMONIALES . Dans le cas plus particulier de Makatea, après les anciennes extractions du siècle dernier qui ont transformé l'île, comme nous le savons trop bien, en un paysage ruiniforme, je n'aurais pu penser qu'une compagnie minière puisse encore projeter de revenir sur l'île pour extraire le peu de phosphates encore piégés dans les '' recoins "". Votre schéma est explicite. Pour accéder aux derniers niveaux à phosphates de l'île, la compagnie sera conduite à araser le plateau sommital sur plusieurs mètres à plusieurs dizaines de mètres. Affirmer que l'île sera ensuite réhabilitée et retrouvera un aspect et un état proches relève d'UNE VASTE FUMISTERIE POUR NE PAS DIRE D'UNE ESCROQUERIE ! Prenons le cas de Nauru ! pour lequel la fin de l'exploitation fut plus que tragique Déjà sérieusement détériorée par les exploitations précédents, MAKATEA ne se relèverait pas d'une reprise des explorations. Une vaste cavité occuperait l'ancien emplacement du plateau qui ne sera jamais totalement comblée par les résidus de l'exploitation. De surcroit, la pollution des nappes phréatiques serait INEVITABLE et l'île deviendrait INHABITABLE; Les arguments relevant de l'intérêt patrimonial de MAKATEA pour la Polynésie française peuvent être résumés ainsi : 1) - Makatea est la seule île haute calcaire de la Polynésie française, ce qui en fait un site d'un intérêt particulier pour les générations futures 2) - Le plateau supérieur porte des formations coralliennes et des gisements de fossiles divers ( mollusques, échinodermes, foraminifères ...) datant du Miocène moyen ( environ 15 millions d'années ) qu'on ne retrouve pas ailleurs en Polynésie. C'est donc un site unique pour l'ensemble de la Polynesie et RARE à l'échelle du Pacifique. Il est évident que le fait d'araser le plateau pour accéder aux phosphates supprimera définitivement ces gisements fossilifères. Je n'évoque ici que arguments d'ordre géologiques. Des détériorations impliquant des atteintes au patrimoine biologique ( terrestre et marin ) sont aussi à craindre."
Pour un autre développement de Makatea
La refondation de l'économie de la Polynésie française est nécessaire, nous en avons conscience ; mais ce projet industriel ne nous a pas convaincu, sa viabilité économique est très contestable, et les risques environnementaux sont trop importants pour y adhérer. L'attrait environnemental de Makatea et notamment sa structure géologique unique dans notre Pays, proscrit tous projets de type industriel, et milite au contraire pour un développement sobre et plus harmonieux tourné vers la mer et les richesses naturelles et culturelles.
La présence d’un site minier industriel, polluant et bruyant, à proximité du village, sur une île de 28km2, constituera sans nul doute un obstacle à tout autre type de développement, en simultané, de l’île, fondé sur l‘économie verte et bleue.
Aujourd'hui, Makatea est une île oubliée du développement économique, alors qu'elle est la plus proche des îles des Tuamotu. Elle ne bénéficie pas d'une desserte maritime qui lui permettrait de se développer.
Le président de la FAPE, Winiki SAGE, a adressé un courrier officiel au Président de la Polynésie française, en soutien à l'association Fatu Fenua no Makatea et aux autres associations qui militent pour un autre type de développement de Makatea, en reprenant tous les arguments exposés ci-dessus.
Une pétition est accessible en ligne pour tous ceux qui veulent préserver Makatea de ce désastre écologique: cliquez sur l'image
Une manifestation pacifique sera organisée par 3 associations : Fatu Fenua no Makatea, Rupe no Makatea et le Syndicat Te Aru Tai Mareva
Date : les 30 Novembre, 2 et 3 Décembre 2016
Lieu : Parking face à la Présidence de la Polynésie française
Motif : Durant ces 3 jours, le conseil municipal de Rangiroa organise un évènement : "50 ans après la CFPO" avec la présentation du projet des australiens, conférence, atelier.. etc...