Un appel public à la concurrence a été lancé par le gouvernement polynésien le 26 mars 2019 pour "une étude de faisabilité d’un système de climatisation par eau de mer des profondeurs pour la zone urbaine de Papeete », système dit SWAC .
Ce système a été mis en place dans des hôtels de Bora Bora et de Tetiaroa avec des aides financières publiques, en défiscalisation, très importantes.
Le projet est d'un intérêt certain pour la transition énergétique du Pays (ah on avance!) quand on sait que la climatisation est souvent le premier poste de dépense énergétique de nos bâtiments (dont la plupart n'ont pas intégré les principes d'éco-construction) , avec une pointe de consommation électrique, produite majoritairement toujours au fioul, en milieu de journée, dans notre zone urbaine.
Encore faut il que le projet aboutisse, avec un cabinet d'études sérieux et une gestion de projet qui évite les turpitudes du projet annoncé pour l'hôpital du Taaone qui n'a toujours pas vu le jour. Sera t on, cette fois-ci, plus rapide et plus efficace que dans la gestion du projet de SWAC de l’hôpital ? La première étude de faisabilité réalisée pour l'hôpital date de 2006, et ce n’est que cette année, en 2019, après de multiples péripéties, notamment devant le Tribunal Administratif , que les travaux seraient - au conditionnel- lancés.
A relever également que le SWAC utilisé à l'hôtel de Bora Bora est, après 10 ans d'exploitation, tombé en panne pendant plus de 2 ans et qu'il a fallu 485 millions de FCP (dont 194 millions en crédit d'impôt) pour remplacer le "pipeline" qui s'était détaché du fond de l'océan.
Il semble qu'un SWAC à Papeete limité à la climatisation des seuls bâtiments administratifs n’atteindrait pas la taille critique requise pour être économiquement compétitif d'où un élargissement à d'autres structures privées mentionnés dans l'appel à concurrence.
Nous saluons ce projet en lui souhaitant que les expériences passées servent utilement au choix du cabinet d'études et à sa bonne gestion.
Le SWAC en quelques mots :
Qu’est-ce qu’un SWAC ?
Le SWAC (Sea Water Air Conditionning) consiste à utiliser de l’eau froide (entre 4 et 7 °C) puisée dans les profondeurs des océans afin d’alimenter un réseau de climatisation à eau glacée. Où y en a t il ?
Ce système, encore globalement peu répandu, est à ce jour, paradoxalement, plus largement utilisé en zones froides que sous les tropiques.
Les principaux SWACs aujourd’hui en service dans le monde sont ceux qui climatisent partiellement la ville de Stockolm, l’université de Cornell dans l’Etat de New York, et le centre financier de Toronto (là on parle en réalité de DWSC -Deep Water Source Coolingcar la source d’eau froide est le Lac d’eau douce Erié et non l’océan).
En effet, même si les besoins de climatisation sont naturellement limités à quelques mois d’été pour les cas précités, l’eau à 4°C ne se trouve ici qu’à quelques 40 m de profondeur, contre 700 à 1000 mètres en zone tropicale, ce qui réduit considérablement le montant total de l’investissement du SWAC, montant largement conditionné par le coût de la réalisation et de la pose de la conduite (pipeline) d’eau froide.
La clé du succès d'un SWAC, disent les concepteurs, est la capacité d'accéder à de l'eau très froide des profondeurs, à proximité des installations
Aujourd’hui, à l’exception du centre NEHLA sur Big Island à Hawaii, où la ressource en eau froide, utilisée pour climatiser le site, est d’abord valorisée pour des activités d’aquaculture, l’ensemble des projets de SWAC « tropicaux » commercialement en service dans le monde (Hôtel Beachcomber à Bora Bora et Brando à Tetiaroa) ou en cours (Hôpital Taaone) le sont en Polynésie française.
Il est toutefois exact que de nombreux SWACs tropicaux sont aujourd’hui à l’étude dans le monde (Réunion, Maurice, downtown Honolulu, Guam, Curaçao,..).
Schéma de principe d’un SWAC
Un pipe-line va dans l’océan pomper de l’eau froide (entre 4 et 7 °C, à optimiser).
Cette eau de mer froide passe par un échangeur thermique (heat exchanger) et refroidit un circuit secondaire d’eau douce. Ce circuit alimente en eau froide les bâtiments dont le système de climatisation est assuré par des centrales à eau glacée, typiquement aujourd’hui fabriquée à partir de machines frigorifiques à compression.
Le remplacement de ces machines frigorifiques par un SWAC (dont le système de pompage consomme aussi de l’énergie, mais beaucoup moins) permet de réduire d’environ 85% les dépenses d’électricité.
Après son passage dans l’échangeur, l’eau froide (typiquement alors « réchauffée » à environ 12°C) est renvoyée à l’océan.
Pour limiter l’impact de l’installation sur le milieu ainsi que la déperdition thermique, le tuyau d’entrée est emboité dans le celui de sortie de l’eau de mer rejetée.